De bon astre
"C’est la première fois que j’écrivais le scénario d’un film en pensant, dès cette étape, à ce qu’allait être la musique originale. J’avais la certitude qu’elle ne serait pas qu’une simple accompagnatrice de l’aventure de mes personnages, mais un élément aussi déterminant que les paysages dans lesquels ils évolueraient. Ces paysages, ce sont les montagnes ; c’est ce village perché et isolé comme un îlot préservé du bruit du monde (que j’ai trouvé en Isère mais qui ressemble aux villages des Pyrénées près desquels j’ai grandi ou à ceux d’Auvergne chers à Ernest [Bergez]). C’est dans ce décor que Bérénice, Hugo et Stan vont se retrouver à l’occasion de l’enterrement du frère d’Hugo ; c’est ici que sera possible le retour d’une amitié immuable, malgré la séparation, malgré le temps qui passe, malgré ce souvenir d’enfance qui les hante. J’ai contacté Ernest pour lui proposer de composer la musique de Debout sur la montagne parce que c’était une évidence. Parce que j’ai su, dès que nous avons commencé à échanger sur le scénario, que nous avions beaucoup à partager. Je lui ai dit combien j’aimais la musique de Sourdure, comment elle m’avait accompagné ces derniers mois et avait été une des influences importantes dans l’écriture de mon film. Il y a, dans le scénario de Debout sur la montagne, une séquence mettant en scène dans l’unique café du village, un musicien qui donne un concert devant les habitants rassemblés pour l’occasion. Ce rôle, je l’ai proposé à Ernest. C’était une manière déjà de faire entrer sa musique dans mon film, mais aussi une occasion qu’il soit là avec nous et qu’il puisse ainsi s’imprégner des lieux, rencontrer l’équipe, les comédiens. À l’issue de ces quelques jours passés dans le village, Ernest, a commencé à composer la bande originale du film. Au retour de ce qui fut un tournage, pour plein de raisons, inoubliable, je me suis lancé presque immédiatement dans le montage. Je découvrais au fur et à mesure de l’envoi des maquettes, les thèmes écrits. Et chaque proposition était comme un écho aux images que je commençais seulement à appréhender. Au fil des semaines, le film s’écrivait, tandis que la bande originale s’étoffait de nouveaux morceaux. J’avais le sentiment que la musique de Sourdure s’immisçait dans chacun des recoins de mon film pour mieux en révéler son mystère, pour soutenir l’intrigue, pour rendre l’émotion plus forte. Aujourd’hui, lorsque j’écoute De bon Astre, ce violon indiscipliné et rebelle, ces nappes électroniques envoûtantes, ces voix célestes et bouleversantes, j’ai l’impression d’être dans ce village, d’en sentir l’atmosphère si particulière, de voir de nouveau disparaître le soleil derrière la chaîne de montagnes et de contempler la douce lumière automnale sur les corps des trois amis réunis ; de ressentir les prémices du froid et l’annonce de la neige ; de grimper vers les sommets ; de m’enfoncer dans la grotte, endroit du mystère et du rêve ; de retrouver l’âme d’un lieu, la certitude que c’est ici, sur cette terre des origines que la vie a commencé et que, quoi que l’on fasse, elle sera pour toujours là, pour nous, comme un refuge." Sébastien Betbeder, juillet 2022