Lidiophone
////////////ENGLISH BELOW/////////////// Pantouflard de studio autoproclamé, Forever Pavot a beau passer pas mal de temps à la maison, il sait se transporter ailleurs en deux mesures. Il y a un art du récit dans "L'idiophone", qui ne prend que trois minutes pour se déployer. C'est toute la BO d'un film lyophilisé avec soin, délicieuse minute-soupe pleine de morceaux, qui reprend du volume dans nos chaines hi-fi en y ajoutant un peu de whisky. Ca s'ouvre sur une poursuite parano de gangster mélomane en Ami 8, dans lequel Emile Sornin s'offre de petites coquetteries remarquables, comme un pinpon d'estafette de flics qui - malgré l'effet doppler - arrive à rester dans l'harmonie. Mauvais souvenirs de confinement peut-être, la maison Sornin est un champ de bataille : dérouiller méthodiquement les objets en chuchotant, c'est dans ses cordes. Sa pendule le saoule, et devient prétexte à une leçon de solfège rythmique speed et carrée. L’album a été réalisé en étroite collaboration avec Vincent Taeger (batterie), Maxime Daoud (basse) et Sami Osta (réalisation et mixage), qui a délicatement trouvé une place à l’armada de claviers, cuivres et de cordes sur lesquelles Arnaud Sèche est venu poser quelques flûtes. La voix est bien en avant, on dit merci. Le texte est reçu cinq sur cinq. Le projet de Forever Pavot se dessine très bien : depuis Rhapsode (2014) et La pantoufle (2017), son flirt avec la chanson commence à ressembler à un pacs. L'un après l'autre, il rédige tous les volumes d'une library music au service de ses petits courts-métrages mentaux, qu'on visionne avec d'autant plus de plaisir que ses plans s'y déroulent toujours sans accroc. Ainsi La main dans le sac, qui s'ouvre sur une étonnante saillie trash à la Napalm death, petit souvenir d'ado, puis installe un climat de monde à l'envers bien gluant. Puis la cavalerie arrive : les cordes staccato révèlent alors un canevas harmonique du plus pur tonneau pop, avant qu'une escouade de cuivres vienne nous achever, en rappelant les meilleurs moments de Bernard Estardy, baron du genre. Dans Au Diable, il joue du piano à genoux, c'est peut-être un détail pour vous, mais les huissiers ont tout pris sauf ça (il a dû acheter un synthé de trop lors de ses pérégrinations dans la France profonde pour Le bon coin Forever, album-concept dans lequel il jouait sur des instruments à vendre). Deux couplets, et les hommes de loi devenus démons de giallo crament, pour la peine. La mer à boire célèbre l'ivresse au fond de l'océan, on y vide des canons avec François De Roubaix, grand noyé national que Forever Pavot vient visiter régulièrement pour lui emprunter du matos. Notamment les idiophones, ces humbles percus dont le son est seulement produit par leur matière - triangle, claves, clochettes. Emile Sornin, tout comme ces instruments solipsistes qui se suffisent à eux-mêmes, se débrouille très bien pour produire une musique idiosyncrasique mais familière. D'âge moyen, à défaut d'être du moyen-âge, le multi-instrumentiste nous livre un album mature, qui révèle modestement sa maitrise de quelques générations de combinaisons ivoire / boutons avec ou sans amplification. Pour Les informations, banger qui s'ignore, troussé comme un générique de France Info, le vocoder vient en renfort pour délivrer le message en forme de haïku : "guerre mondiale / marseillaise / recette de salade piémontaise". Le morceau rassurera ceux qui douteraient du maintien de son aptitude à l'idiotie, dans ce qu'elle a de plus noble. Quelques instrumentaux permettent au groupe de jouer avec les choeurs wawa à la Morricone, de marier ondes Martenot et piano bastringue…et partout, la reverb à ressort qui lie le tout comme une bonne mayo. Il serait dommage, par réflexe, d'ancrer la compréhension de sa musique dans celle de ses ainés des années Pompidou-Giscard : comme eux, Forever Pavot sait écrire, point. Halory Goerger. //////////////////ENGLISH//////////////////// Self-proclaimed studio rat, Forever Pavot knows exactly how to teleport elsewhere in a few chords. In "The Idiophone", the art of storytelling takes about only three minutes to unfold. Each composition features the full soundtrack of a carefully dehydrated movie, restored to its initial volume in our stereo. The album opens with a car chase, starring a scholarly gangster, and indulging in some engineering excentricities, such as keeping a cop's siren in harmony throughout the song- despite the Doppler effect. Perhaps it’s the bad lockdown speaking, but Emile Sornin’s place is a battlefield : he’s having a go at every object like family members. A clock is seemingly taking the piss at him, and it becomes the pretext for a fast-paced lesson in music theory and the effects of time on people. The album was produced in close collaboration with Vincent Taeger (drums), Maxime Daoud (bass) and Sami Osta (production and mixing), who miraculously found room for every keyboard, and then some more, for a brass and string section. Arnaud Sèche came to lay down some flutes. Voices have been mixed forward, signing the end of the mutation of Forever Pavot. Since Rhapsode (2014) and La pantoufle (2017), his fling with the song format has become a rather serious relationship. One after the other, Emile Sornin is writing all the volumes of his ideal library music, and it appears he’s reaching the oddities section. La main dans le sac starts with a weird trash-metal drum burst, then sets up a slimy upside-down world climate. Cue-in the cavalry : staccato strings reveal a harmonic canvas of the purest pop, then a brass squad comes to finish the job, recalling the best moments of Bernard Estardy, baron of all sound wizards. Au Diable stages him playing the piano on his knees, ripped off by bailiffs. Two verses in, and the lawmen turn to demons straight out of a giallo, and burn. He must have bought one too many synths for Le bon coin Forever, concept album in which he played on instruments for sale). Nestled in a few crafty instrumentals, Les informations, clueless vocoded banger written like TV news credits, haïku-sized showcase for Emile’s taste for the daft. From the bottom of the ocean, La mer à boire makes him drinking buddies with François De Roubaix, national treasure that Forever Pavot comes to visit regularly to borrow gear. Notably idiophones, these humble percussion instruments whose sound is produced only by their material - triangle, claves, bells. Emile Sornin, like these self-sufficient instruments, manages very well to produce an idiosyncratic but familiar music, colored by his proverbial spring reverb. No need to source his music in his elders’ : like them, Forever Pavot can write, full stop. Halory Goerger.